La teinture est leur quotidien et leur gagne-pain. Elle est un art que ces Maliens installés à Ouakam ont hérité de leurs ancêtres. Cette activité qui se fait par différents procédés requiert beaucoup de patience et de doigté. Loin de leur pays, ces artisans gagnent leur vie pour aider les parents restés au village, malgré une nostalgie de plus en plus poignante.
Un vaste terrain sis à la cité Comico de Ouakam. Bassines, maillets, tissus, fûts remplis d’eau trainent çà et là. Une odeur d'acide titille les narines. Ce lieu est un temple de la teinture. Une femme rince un tissu, deux autres sont autour d’une bassine. Gants aux mains, elles s’activent à tremper petit à petit un tissu blanc dans une bassine en métal. En face d’elles, un homme s’affaire dans une tente. Ici, on peut acheter des « thioups » (bazins teintés) ou amener son tissu pour le teindre. Dans ce cas, le prix est à 2000frs CFA le mètre. Avant d’être teinté, le tissu subit plusieurs procédés. Le travail est bien organisé dans ce site. Et chacun à un rôle bien défini. Salimata Coulibaly explique tout en suspendant un tissu fraichement teint sur le séchoir. « Nous utilisons des colorants chimiques. Le tissu 100% coton est trempé dans un mélange de poudre colorante, d’acide, lavé, puis égoutté, retrempé jusqu'à l'obtention de la couleur souhaitée et enfin séché au soleil. Pour les motifs, il y a différents procédés de nouage, de couture ou d’empâtement du tissu ». Pour un bon éclat, le tissu passe après la teinture et le séchage sous le maillet du « tapeur ». A l’approche d’une tente, les « pan-pan » résonnent de plus en plus fort. A l’intérieur, un homme, kaftan gris un peu délavé dont la manche pend un peu sur l’épaule gauche. Il tape avec une force extraordinaire sur un tissu de couleur marron. Le visage dégoulinant de sueur, le jeune Thiémokho trouve la cherté des bazins justifiée : « le travail est très pénible c’est pourquoi la marchandise coûte cher. Et en plus nous courons un risque car les produits que nous utilisons sont toxiques ». Cette cherté n’est sûrement pas ressentie par Bandel Wane. Venue récupérer trois tissus, cette jeune dame explique sa préférence pour ces artisans Maliens. « Ils sont les meilleurs en matière de bazins. La teinture est l'une de leur plus ancienne activité. Les tissus ont plus d’éclat et les motifs sont plus visibles », lâche-t-elle, le sourire aux lèvres, ravie par la qualité du service.
Le travail des bazins teintés est très rentable. Ces textiles sont vendus à partir de 30.000frs CFA. Ces travailleurs tous des Maliens l’ont si bien compris qu’ils sont organisés en une petite société parce que originaires de la même localité. Ils ont quitté Ouéléssébougou, un village dans la région de Sikasso car la vente de bazins teintés marche plus au Sénégal que dans la sous-région. La teinturerie est presque une spécialité malienne si l’on en croit Seydou Maiga, un des teinturiers. « Nous avons une clientèle très diversifiée qui est très satisfaite de notre offre. Les Sénégalais préfèrent notre marchandise car nous venons du Mali. Ce qui nous arrange car nous gagnons beaucoup d’argent », affirme le chef de l’atelier. Les ouvriers sont une bonne quinzaine. Leur chiffre d’affaires est très élevé. D’ailleurs, une bonne partie de l’argent collecté est envoyé au village. « Nous sommes organisés en une petite communauté et quand nous envoyons l’argent, nos différentes familles se le répartissent. Le reste on le partage et chacun a sa petite épargne », poursuit le jeune frère Moussa Maiga.
La teinturerie, activité artisanale est très fructueux. Ces tissus, originalement africains sont un élément d’identité culturel. Cependant un problème subsiste : leur cherté. Ce qui est paradoxal car les produits intervenant dans la fabrication sont tous locaux. Sauf le bazin qui est importé.